La comptabilité socio-environnementale devient de plus en plus un enjeu-clé-socio-économique, notamment dans le contexte de la transition écologique, que ce soit au niveau des organisations, des territoires ou des états.
En France, plusieurs textes réglementaires obligent déjà un certain nombre d'entreprises à établir dans leur rapport annuel une déclaration de performance extra - financière (reporting extra - financier) et de manière générale, incitent à une communication renforcée sur ces aspects.
L'enjeu de la comptabilité socio - environnementale est ainsi souligné dans le récent rapport (janvier 2018) du « High Level Expert Group on Sustainable Finance » (HLEG) où il est recommandé que l'Union Européenne mette à jour ses orientations concernant les états financiers des entreprises pour y intégrer des informations extra - financières.
De la même façon, la recommandation n° 10 du rapport Notat/Senard (« L'entreprise, objet d'intérêt collectif ») propose d' : « Engager une étude concertée sur les conditions auxquelles les normes comptables doivent répondre pour servir l'intérêt général et la considération des enjeux sociaux et environnementaux ».
Dans ce contexte, plusieurs modèles et approches de la comptabilité socio - environnementale d'entreprise existent et émergent, mais ils restent extrêmement controversés dans leur capacité à aborder une réelle transformation écologique des entreprises, à permettre une adaptation à un renouvellement de la gouvernance des entreprises et à articuler les enjeux extra - financiers de l'entreprise avec ceux des territoires et des états.
En particulier, les modèles proposés sont généralement pensés dans une vision en « soutenabilité faible » , avec peu de bases biophysiques scientifiques , en déconnexion avec la réalité des écosystèmes et des systèmes sociétaux dans lesquelles vivent les entreprises.
Au-delà du périmètre d'une entreprise donnée, il existe un besoin important de développement de nouvelles comptabilités à l'échelle de la gestion collective des écosystèmes (pris au sens large : un lac, une zone humide, un bassin versant, un corridor écologique, une population d'oiseau), où se jouent la réalisation de performances écologiques mesurables.
En effet, le respect des limites et seuils écologiques et l'obtention de résultats sur l'amélioration de l'état d'un écosystème donné dépasse le seul périmètre de responsabilité et d'action de l'entreprise. La création ou destruction de valeur écologique résulte des jeux d'interactions entre l'entreprise et d'autres organisations privées ou publiques aux intérêts et aux stratégies souvent divergentes, et qui impactent l'écosystème ou contribuent de manière différenciée et le plus souvent non coordonnée à sa gestion.
Les comptabilités écosystème-centrées ont donc pour finalité d'opérationnaliser la préservation du capital naturel de nos territoires tout en reconnaissant la diversité des enjeux écologiques concernés et des contextes d'action. Ce champ récent de recherche et d'innovation s'appuie en particulier sur un dialogue interdisciplinaire entre comptabilité et sciences de la conservation et sur l'expérimentation d'un modèle comptable conçu spécifiquement pour équiper la gestion inter-organisationnelle des écosystèmes.
Du côté de la comptabilité nationale les principaux indicateurs de richesse - et notamment le PIB (produit intérieur brut) - apparaissent aujourd'hui incapables de refléter les évolutions des enjeux écologiques de nos sociétés. Ainsi la notion de richesse d'un pays a fortement évoluée au cours des années passées, conduisant notamment la France à travers la loi du 13 avril 2015 à considérer de nouveaux indicateurs pour mesurer la richesse dans la définition de ses politiques publiques. Cela fait suite notamment aux recommandations du Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social (dit « Rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi » publié en 2008).
Dans ce contexte, le ministère en charge de l'environnement et les agences statistiques nationales et internationales, travaillent au développement de nouveaux référentiels comptables nationaux. Ces travaux ont lieu en particulier dans le cadre du système de comptabilité économique et environnementale (SCEE) de l'ONU qui s'appuie sur les concepts, les classifications et les définitions des systèmes de comptes nationaux. Ces nouveaux outils vont fortement contribuer à déterminer les futurs critères de durabilité macro-économique. Il semble dès lors important, dans le cadre de la chaire, de saisir les portées respectives tout autant que les limites de ces initiatives dans un contexte où il existe des visions alternatives de ce à quoi renvoient la durabilité et où la chaire défend une approche par la durabilité forte.
La finalité de la chaire est donc de permettre une recherche d'ampleur, partagée notamment entre ses partenaires, afin d'initier des réponses à ces problématiques, et ainsi de rendre possible une véritable transition écologique en soutenabilité forte des organisations, des territoires et des pays, dans une articulation allant de l'entreprise à la société dans son ensemble.